Ce confinement inédit nous a forcé à faire preuve de créativité. Qu'en restera-t-il ? Nous avons sondé des créatifs, responsables du planning et de la stratégie en agence, afin de savoir comment ils ont vécu cette période. Noé Melon, directeur de la création chez Castor & Pollux, nous répond.
Je m'abonneQue retenez-vous du confinement ?
Cette période a bouleversé notre façon de travailler, bien que la grève de décembre dernier avait préparé le terrain. À l'agence, nous pratiquons le télétravail depuis des années, et dans le cadre de nos projets, nous utilisons des logiciels comme FIGMA, qui permettent à tous les ux designers de travailler en même temps sur une créa'. On voit les souris de tout le monde bouger, et avec un slack audio en prime, les frictions sont minimes. Mais pour trouver l'inspiration, le confinement et le télétravail peuvent compliquer les choses. Pour réfléchir, en physique, il faut un support. Chez soit, on réfléchit sur les quatre murs de son quotidien, là où ce processus demande habituellement de sortir, de se confronter aux autres, de voir le monde qui nous entoure. C'est différent de la phase de production, où un DA peut s'enfermer et se focaliser sur son idée, au calme, comme un moine !
Quelles innovations créatives vous ont marqué ?
On s'est replié sur une "créativité de survie", plus contrainte. Privés de leur liberté physique, les gens sont allés en ligne dupliquer de nombreuses activités, du concert à l'apéro en passant par le déjeuner dominical. Heureusement, il y a Internet, mais nous sommes des êtres profondément sociaux, et même sans ce nouveau médium, nous aurions trouvé d'autres moyens d'entretenir ces liens. Mais c'est certain que ce confinement va laisser des traces. Nous avons vécu un moment politique sensible, qui nous questionne sur nos aspirations. La formule "monde d'après" sera la phrase qui aura marqué ce déconfinement. Mais je m'interroge sur la position à adopter pour les annonceurs. Quand je vois les marques dire merci ou qu'elles sont contentes de retrouver les consommateurs, je me pose la question de l'accueil de ce genre de messages. Les gens sont de plus en plus éduqués, et ne sont certainement pas dupes. Il y a des gens en deuil, ou qui ont été malades... Attention à ne pas faire du Covid-washing ! Enfin, je pense que les tendances observées dans notre spécialité, le design interactif, vont s'accélérer avec cette crise. On revient à du "no design", plus simple, plus reposant, avec moins de visuels, une police sans serif, un texte épuré. Quelque chose de plus doux, de plus simple à appréhender.
Pensez-vous que la recherche de sens et d'éthique doit aussi se faire sur le terrain du design, en luttant contre l'utilisation des "dark patterns", les biais cognitifs ?
C'est une tendance qu'on observe depuis l'avènement du "privacy by design", ou le terme "privacy" doit aussi s'entendre comme la recherche d'un design qui soit bon pour l'utilisateur, et qui n'utilise pas de biais cognitifs pour le pousser à agir. Mais j'ai du mal à croire que des grandes entreprises vont s'en passer. Instagram a annoncé il y a quelque temps la fin du scroll infini, sans que cela dépasse l'effet d'annonce... Mais il y a en effet des opportunités de communication à saisir pour de nouveaux entrants, qui feront le pari d'avertir les consommateurs, de faire de la pédagogie pour lutter contre ces pratiques. On pourrait imaginer un site e-commerce qui explique clairement qu'il ne va pas vous faire croire que le stock est bas ou qu'il ne reste que quelques billets pour vous pousser à l'achat.
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