La force des acronymes c’est qu’on les mémorise. Leur faiblesse est qu’on en oublie vite le sens. Prenons par exemple le cas du CRM. CRM, faut il le rappeler, signifie “Customer Relationship Management” ce qui en français donne “Gestion de la relation client”. Je répète : gestion de la relation client.
Lorsqu’on regarde de plus près, force est de reconnaitre que le CRM a été dévoyé pour ne devenir, dans le meilleur des cas, qu’un outil de “sales enablement” (un outil servant aux commerciaux pour optimiser leur processus de vente) et, dans le pire de cas, un outil de reporting à destination de la direction des ventes sans aucun apport pour le collaborateur qui ne le renseigne qu’à regret, voire en baclant cette tâche fastidieuse.
N’en voulons pas au outils, c’est la notion même de “relation client” qui a été dévoyée. Eux n’ont fait que suivre.
La relation client ne serait donc qu’une suite d’intéraction dans un processus de négociation commerciale devant s’achever par un “closing” ? Remarquons déjà que si on parle d’acquisition de nouveaux clients, le terme “customer” n’est déjà plus approprié : ce sont des prospects qui ne deviendront clients qu’après le closing. Ce qui nous amène déjà à nous dire que client peut être quelqu’un avec qui les relations sont plus ou moins affirmées, du “client acquis” que l’on développe dans un contexte connu au nouveau prospect que l’on connait parfois encore mal et avec lequel il n’existe qu’un historique faible, voire inexistant. Selon le secteur d’activité cela peut d’ailleurs être quelqu’un qu’on ne connait pas, qui ne nous connait pas, seul une “connexion” manquant pour que la relation se crée. Voilà pour le client.
Voyons ensuite la “relation”. La relation client c’est vendre. Bien sur, d’ailleurs c’est le but profond de chaque entreprise. Mais est-ce tout ? Ne peut on pas faire autre chose avec un client, un prospect actuel ou potentiel ? Je ne sais pas moi…recueillir des retours sur le produit, sur la concurrence (qu’il n’a pas manqué de solliciter et avec qui il a peut être déjà travaillé), sur le discours, sur la perception de l’entreprise. Autant d’informations à haute valeur ajoutée pour peu que l’entreprise ait l’envie et la possibilité organisationnelle d’en tirer les conclusions nécessaires. On m’a dit dernièrement “il y a des prospects qui finalement ont signé avec un concurrent mais finalement le temps investi a été plus que rentable : ils nous ont expliqué pourquoi, nos faiblesses, ce qui a fait la différence etc…et comme on ne les a pas jeté dès lors qu’ils nous ont dit non, on garde une relation informelle avec eux et sait on jamais….”. Loin du “il signe pas il nous fait perdre notre temps ce c…., envoyez le sur les roses” qu’on peut entendre par ailleurs. La vente est une composante essentielle de la relation client, mais elle n’est pas la seule.
Les acteurs de la relation client sont donc, coté entreprise, les vendeurs, le marketing (jusque là on s’entend) mais également la direction produit. Et dans une optique non seulement de “push” (pousser le message et exécuter la méthodologie) mais également de “pull” (écouter et apprendre pour s’améliorer) permanent : il ne faut pas attendre 8 mois pour faire un bilan, les retours terrains se doivent de remonter et d’être pris en compte en permanence jusqu’à l’atteinte d’une masse critique cohérente qui amènera à décider de quelque chose.
Cela nous ramène bien sur à la notion de social CRM. Une notion clairement identifiée comme porteuse de valeur et qui sera un des sujets “chauds” en 2010. Mais, puisqu’il s’agit d’une vraie logique opérationnelle et pas seulement d’un relooking d’outils, réussir son projet passe par une compréhension claire de ses objectifs, de sa signification et de ses implications. Quelques discussions récentes m’ont en effet donné la confirmation que les vieux réflexes reprenant le dessus, la tendance à vouloir transformer un projet social CRM en outil d’harcélement (socialement qualifié) et de génération de lead pour ressortir les vieilles ficelles est encore inconsciemment bien présentes. La conversation rapportée dans ce billet est pour le moins édifiante même si je ne suis pas certain qu’un outil susceptible d’aider à manager le coté relationnel soit la panacée si on a pas l’intention, avant tout, d’aller dans ce sens.
Si vous désirez lancer un tel projet gardez bien en tête sa signification sinon le risque de voir d’autres le dénaturer et ainsi détruire sa valeur par de petits ajustements successifs n’est pas loin.
Finalement le CRM était social par nature. On attendait juste l’évolution des outils et des comportements pour pousser la logique jusqu’au bout.
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