Mise à jour 25/06/2020 : Wirecard a annoncé ce jeudi entamer une procédure de dépôt de bilan, selon une information Reuters. La cotation du titre a été suspendue à la Bourse de Francfort peu avant cette annonce. Le parquet de Munich devrait par ailleurs réclamer un mandat d’arrêt contre l’ancien directeur général adjoint de Wirecard, Jan Marsalek, selon l'agence qui cite le journal allemand Handelsblatt. Markus Braun, l'ex-président du directoire de Wirecard démissionnaire, s’est rendu en début de semaine aux autorités et a depuis été libéré.
Article original : La fin semble proche pour la fintech Wirecard. Faute d’une validation de ses comptes par le cabinet d’audit EY, la société bavaroise a annoncé jeudi 19 juin repousser, pour la quatrième fois, la publication de ceux-ci. Le lendemain, elle entérinait la démission du fondateur et président du directoire, Markus Braun, alors que le titre s’effondrait de près des neuf dixièmes de sa valeur, à 18 euros. Ce lundi 22 juin, la société spécialisée dans les solutions de paiement a reconnu officiellement un trou de 1,9 milliard de dollars, soit le quart du bilan consolidé du groupe, dans sa trésorerie.
La cause du refus des experts du cabinet EY : de graves irrégularités constatées, déjà soulevées lors d’une enquête menée par KPMG en avril dernier. Or selon une clause, la société doit, en cas de non publication de comptes certifiés et consolidés, pouvoir fournir deux milliards d’euros de prêts exigibles. Cette somme, pourtant inscrite au bilan sur des comptes de tiers aux Philippines, est introuvable, selon les auditeurs mandatés. Wirecard ne dispose officiellement que de 3,3 milliards de trésorerie.
Une license bancaire dès 2005
Créée en 1999 par Markus Braun, Wirecard s’est d’abord positionnée sur les paiements en ligne réalisés pour les jeux en ligne et les contenus pornographiques. Elle décolle quelques années plus tard en se recentrant sur la gestion des paiements électroniques et obtient sa licence bancaire en 2005, bien avant ses concurrents. Elle entre au Dax, l’indice des trente valeurs vedettes les plus cotées à Francfort, en septembre 2018, et sa valorisation pèse alors 17 milliards d’euros.
En 2019, la fintech passe à la vitesse supérieure et annonce le lancement de comptes courants permettant à ses utilisateurs de régler leurs achats, via l’application bancaire baptisée Boon Planet, à partir d’un compte Wirecard. La néobanque proposait un taux de rémunération avantageux à 0,75 %. Une stratégie pour augmenter sa base client, qui compterait 300 000 souscriptions.
900 millions d’euros injectés par Softbank
Les mises en causes de Wirecard ne sont pas nouvelles. Le média britannique The Financial Times et des lanceurs d’alerte pointent, depuis 2008, des irrégularités comptables et des malversations opérées par la société en Asie, qui ont amené, tardivement, le gendarme des marchés allemand, la BaFin, à ouvrir plusieurs enquêtes. Malgré les investigations très fouillées du journal économique, regroupées sous la série "The House of Wirecard", la BaFin n’a pas pris la mesure des accusations, allant jusqu’à mettre en cause les auteurs dans une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Munich.
Wirecard a par ailleurs retiré sa prévision de résultat 2020 et son objectif 2025 concernant le volume des transactions, le chiffre d'affaires et le résultat opérationnel. Difficile aujourd’hui d’imaginer que Visa, Mastercard et les autres acteurs du secteur continuent à lui accorder licences et confiance. Wirecard, qui emploie 6 000 personnes, est soutenue par le géant japonais SoftBank, qui a injecté l’année dernière 900 millions d’euros sous forme d’obligations convertibles. L'entreprise technologique est pointée elle aussi du doigt ces derniers temps pour voir soutenu des jeunes pousses à la gestion douteuse, à l’instar de WeWork.